Avec Didier Lallement, Rosalie Mann, Nathalie Mercier-Perrin, Erik Orsenna, Sabine Roux de Bézieux avec Martial You.
Verbatim Voir Erik Orsenna : "Il y a une grande ressemblance entre l'écriture et la navigation, il n'y a pas de route, il faut l'inventer."
Sabine Roux de Bézieux : "En 1982, la France a gagné sa plus grande bataille navale, à Montego Bay, où on a accordé à la France la place de deuxième puissance maritime au monde."
"On n'a pas la culture maritime en France, pourtant nous avons tous la mer en nous."
Nathalie Mercier-Perrin : "L'économie bleue c'est l'industrie navale, les énergies marines renouvelables, la flotte de commerce (90 % de ce qu'on consommes dans le monde arrive par bateau) , les produits de la mer, l'aquaculture, les câbles sous-marins, touts les sujets de cybersécurité maritme, les grands fonds, les granulats… Au total c'est 400 000 emplois en France et un million à l'horizon 2030."
Rosalie Mann : "La mer est aujourd'hui en souffrance, il faut la déplastifier."
"Nous devons penser au monde de demain, nous avons tous conscience d'être contaminés par les micro-particules de plastiques… Il faut vraiment prendre le tournant de déplastifier nos entreprises sous peine de perdre des parts de marché."
Erik Orsenna : "Il y a le Grenelle de la mer en 2009, depuis pas d'ambition générale ! Il y a des crétins qui dépensent des milliards de dollars pour aller voir ce qu'il se passe sur Mars et on ne regarde pas ce qui est plus proche de nous."
Nathalie Mercier-Perrin : "Il y a environ 1000 métiers concernés par l'économie bleue et parmi eux des métiers à découvrir."
Sabine Roux de Bézieux : "Dans l'océan, on retrouve toutes les grandes questions, le climat, les pollutions, la protection de la biodiversité…"
"Il faut remettre de la mer partout car la mer concerne tout le monde, cela manque dans notre culture nationale."
Erik Orsenna : "On a développé l'industrie, parce qu'on avait l'école des mines, l'agriculture, car on avait agro, etc. Sur la mer, rien, à part l'école navale."
Rosalie Mann : "Un plastique recyclé génère beaucoup plus de micro-particules. Aujourd'hui, on produit 460 millions de tonnes de plastique et la majeure partie est dans les emballages. Beaucoup d'emballages ne sont pas nécessaires."
"Sur les 4000 femmes enceintes en France aujourd'hui, toutes avaient des micro-particules de plastiques dans leur placenta et des perturbateurs endocriniens."
"Il faut savoir prendre le tournant pour demain, car l'avenir est un monde sans plastique."
"La mer est aussi le premier capteur de C02 et le régulateur de la température sur la planète, le dérèglement climatique est lié au dérèglement de nos océans."
"L'océan reste un grand espace à découvrir et à comprendre."
"Le plastique, quand il se dégrade, produit des gaz à effet de serre."
Sabine Roux de Bézieux : "On a construit notre civilisation sur le plastique, les populations en développement considèrent que se développer, c'est avoir le plus possible de plastique chez soi."
"C'est possible de changer, et ce changement va venir de deux sources, la réglementation et des changements dans les styles de production."
Erik Orsenna : "S'il n'y a pas de rentable, il n'y a pas de durable !"
"On dépend de la mer de façon géante et du microbiote de façon intime !"
"Les patrons devraient être des marins du pourquoi-pas."
Nathalie Mercier-Perrin : "Pour progresser et aller plus vite, on a besoin de l'Etat."
Erik Orsenna : "Un investissement, ce n'est pas une dette, c'est la possibilité de l'avenir."
"Si l'océan va mal, c'est l'ensemble de la vie qui va mal !"
"Les deltas sont l'avant-garde de tous les dérèglements !"
"Il faut que nous devenions des géonautes, c'est à dire des marins de la terre."
Nathalie Mercier-Perrin : "Il n'est pas normal que les hommes et les femmes sur les bateaux soient en danger sécuritaire, la géopolitique maritime est primordiale."
Sabine Roux de Bézieux : "Il n'y a pas de représentation politique de la mer, ni en France, ni en Europe. Le seul endroit où on parle de la mer, c'est l'ONU."
"La pêche illégale est un crime organisé au niveau mondial;" Pour aller plus loin Voir La planète bleue porte bien son nom ! Les océans abritent plus de 71 % de la surface du globe, plus de 90 % des espèces vivantes et représentent 97 % des ressources en eau.
Ils nous nourrissent, nous soignent, purifient l’air que nous respirons et régulent le climat. En d’autres termes, ils sont les garants de notre survie. Mais cet écosystème fragile est aujourd’hui menacé par l’action de l’homme : pêche industrielle, utilisation des mers comme décharges de plastiques et de produits chimiques, exploitation pétrolière offshore, réchauffement climatique du fait des émissions de gaz à effet de serre…, on ne compte plus les excès qui sont en train de tuer l’océan. « Les océans sont au cœur de notre destin et de celui de l’humanité », déclarait Emmanuel Macron lors de la journée mondiale de l’Océan en juin 2023.
La prochaine conférence des Nations unies pour les océans se tiendra à Nice en juin 2025. L’économie bleue, parce qu’elle représente un potentiel de croissance encore inexploité, suscite des convoitises, mais aussi des controverses. Comment exploiter de manière durable la puissance des océans pour répondre aux besoins de l’humanité tout en préservant l’équilibre écologique des écosystèmes marins ? L’océan, poumon de la planète
Grâce au phytoplancton qui produit environ 50 % de l’oxygène que nous respirons, les océans jouent un rôle écologique majeur. Ils constituent aussi l’un des plus grands puits de carbone de la planète, piégeant de grandes quantités de CO2 atmosphérique et contribuant à atténuer les effets du changement climatique. Malheureusement, les océans se sont progressivement acidifiés depuis la révolution industrielle. Partout les récifs coralliens blanchissent, ce qui a un impact direct sur la survie des crustacés, qui agissent pourtant comme des filtres qui absorbent le dioxyde de carbone en excès et nettoient les océans de leurs polluants. A mesure qu’il stocke des quantités croissantes de chaleur et de CO2, l’océan se réchauffe et affecte à son tour le climat. Ce réchauffement entraîne des répercussions concrètes telles que la fonte des calottes polaires et l’augmentation du niveau de la mer. Comme l’explique la glaciologue Heïdi Sevestre, « nos deux grandes calottes polaires contiennent suffisamment de glace pour augmenter le niveau des océans jusqu’à 65 mètres. On sait qu’une élévation d’un mètre est inévitable. Cela peut arriver d’ici les années 2070 dans le pire des cas. On pourrait même atteindre les trois mètres d’élévation du niveau d’ici le début des années 2100, c’est vraiment cataclysmique car un milliard de personnes habitent entre zéro et dix mètres d’altitude ».
Pour inverser la tendance, nous devons donc impérativement réduire nos émissions de dioxyde de carbone et abaisser la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Dans son dernier rapport, le GIEC a présenté un ensemble de solutions appelées « développement climatique résilient », afin de protéger et restaurer les écosystèmes, dont les océans. Il en va de la survie de ces derniers… et de la nôtre. Un garde-manger menacé
Il y a plus de 3,85 milliards d’années, c’est dans l’océan qu’est apparue la toute première cellule vivante et que la biodiversité a vu le jour et s’est épanouie. L’océan abriterait aujourd’hui plus de 10 millions d’espèces pour la plupart encore inconnues, soit plus de 90 % des espèces vivantes. Beaucoup d’entre elles sont comestibles, ce qui fait de l’océan un garde-manger pour la planète. Les produits de la pêche représentent environ 25 % de la consommation mondiale de protéines animales. Un pourcentage qui monte à 55 % en Asie. Cette importance vitale du poisson est d’autant plus grande qu’une multiplication par deux de la demande est prévue d’ici la fin du siècle. La plupart des espèces de poissons traditionnellement destinées à la consommation sont pourtant d’ores et déjà actuellement exploitées au maximum, quand elles ne sont pas surexploitées, et les stocks mondiaux déclinent. De plus, 20 % des captures mondiales proviennent de la pêche illégale, non déclarée ou non réglementée. La surpêche menace également les grands cétacés de plus en plus nombreux à se prendre dans les filets.
Pourtant, selon les spécialistes, la surpêche pourrait bien être le problème de l’océan le plus simple à résoudre et de nombreuses populations de poissons pourraient être restaurées grâce à une application plus stricte des lois régissant les captures et un recours accru à l’aquaculture ou à l’ensemencement océanique. Bien protégé et géré, l’océan pourrait alors assurer en 2050 deux tiers des besoins alimentaires mondiaux de protéines estimés à 500 millions de tonnes.
Encore faut-il que l’océan reste un milieu sain, or de très nombreuses espèces marines sont aujourd’hui victimes de la pollution des eaux, notamment par les plastiques. Un océan de plastique
Environ 13 millions de tonnes de plastique sont déversées chaque année dans les océans et sont à l’origine de 80 % des débris flottant en surface ou enfouis en profondeur. La pollution due au plastique est l’un des problèmes majeurs affectant l’environnement marin. Elle accélère directement le changement climatique et menace environ 4000 espèces. Plus de 90 % des oiseaux de mer auraient ainsi des morceaux de plastique dans l’estomac. Les océans contiennent également de gigantesques « continents » de déchets. On estime que le plus grand d’entre eux, baptisé « vortex de déchets du Pacifique nord », s’étend sur une superficie équivalente à trois fois celle de la France. Le plastique contient des produits chimiques dangereux que les poissons ingèrent, poissons que les humains consomment ensuite, avec, à la clé, de nombreux problèmes sanitaires. Si rien n’est fait, le pire est à craindre, car on estime que la production de plastique devrait tripler d’ici 2060. Or, 81 % du plastique produit chaque année devient un déchet qui finit son voyage dans l’océan. A ce rythme, « d’ici 2050, il y aura plus de plastique que de poissons dans l’océan » s’alarment les scientifiques. Heureusement, une prise de conscience s’est amorcée et de nombreuses initiatives ont été prises pour limiter cette pollution plastique. Espérons qu’elles portent rapidement leurs fruits. Une incroyable réserve d’énergie
De nombreux projets sont en cours pour évaluer les potentialités énergétiques de l’océan. Aujourd’hui, les énergies marines ne représentent que 0.2 % de l’énergie mondiale. Mais si l’on en croit les estimations de la Commission européenne, en utilisant le mouvement de seulement 0.1 % des vagues dans le monde, on pourrait subvenir aux besoins énergétiques de toute la planète.
Les énergies que pourraient fournir l’océan sont toutes des énergies propres. Marées, vagues, courants et même algues. L’océan qui soigne
L’utilisation des ressources marines pour se soigner remonte à la plus haute antiquité. Egyptiens et Mésopotamiens se servaient déjà d’extraits d’algues et de mollusques pour leurs vertus. Aujourd’hui, les recherches sur les propriétés médicinales de certains organismes marins se poursuivent dans le monde entier. Les particularités de ces organismes en font une réserve inestimable de voies thérapeutiques : agents anticancéreux, antimicrobiens, antiviraux, anti-inflammatoires, antidiabétiques, antihypertenseurs, anticoagulants, antioxydants…. On estime à quelque 25 000 le nombre de produits d’intérêt pharmacologique ou cosmétique déjà obtenus et ce n’est qu’un début. Les premiers travaux significatifs en chimie des substances naturelles marines sont ceux du professeur Werner Bergmann, en 1951, aujourd’hui, la plupart des molécules d’origine marine en développement clinique sont destinées au traitement des cancers ou à la lutte contre les virus. Le futur de notre santé dépend donc directement de celle de l’océan. La septième nation mondiale
Le poids de l’économie bleue, c’est-à-dire les activités économiques qui dépendent de l’utilisation des ressources côtières et marines, a été évaluée à 1.500 milliards de dollars de valeur ajoutée par l’OCDE, soit 2,5 % de la valeur ajoutée brute mondiale. Si l’océan était un pays, il se situerait au 7ème rang mondial devant des pays comme le Brésil ou la Russie. Les océans, c’est 15 % de l’apport calorique mondial. 3.5 milliards de personnes en dépendent pour leur source primaire d’alimentation. 80 % des marchandises vendues dans le monde ont traversé les océans et près de 60 millions de personnes ont un emploi directement lié à l’océan sans compter tous ceux qui en dépendent économiquement.
La santé des océans est donc primordiale pour la croissance, or, aujourd’hui, nous l’avons vu, de nombreuses menaces la mettent en péril. La France qui possède le deuxième domaine maritime du monde a incontestablement un rôle majeur à jouer dans les discussions internationales au sujet de la protection des océans. La troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan se tiendra d’ailleurs à Nice en juin prochain.
Il va, bien sûr, falloir des financements importants pour développer une économie bleue durable, mais les enjeux sous-jacents sont forts, car l’économie bleue permet tout à la fois de stimuler l’innovation, de créer des emplois et de lutter contre le changement climatique.
Pendant des siècles, l’humanité a agi comme si mers et océans étaient des ressources inépuisables, capables de nous nourrir et d’absorber tous nos déchets. Il n’en est rien. Comme l’explique Isabelle Autissier, présidente d’honneur du WWF France, « aujourd’hui, nos océans sont à bout de souffle et nous sommes tous concernés. Il est encore temps d’agir pour limiter les pressions pesant sur les océans et inverser la tendance : des solutions existent et nous pouvons ensemble les mettre en œuvre ! ». Lesquelles et comment ?