Invité d’En toute franchise sur TF1, Patrick Martin est revenu sur le Front économique, initiative lancée avec des économistes et des chefs d'entreprise pour peser dans le débat, sur le projet de budget, sur le temps de travail, sur la réforme des retraites et sur les arrêts maladie.
Sur le Front économique
« Nous lançons cette initiative parce qu'on considère que dans le débat public et par voie de conséquence, dans la décision politique, on manque un petit peu d'arguments, de rationalité économique et qu'à partir de là, il y a des décisions qui sont prises, souvent animées par de bonnes intentions, mais qui peuvent donner des résultats catastrophiques. »
Sur le vote du budget
« Il y a des postures, il y a des jeux de rôle, c'est la règle de la politique. À la fin, ce qui importera, c'est le vote d'un texte qui tienne à peu près la route. Mais nous sommes quand même inquiets parce qu'il y a un certain nombre de propositions qui vont à l'encontre de la dynamique économique de l'emploi, de l'investissement, de l'innovation, alors que la conjoncture est déjà assez dégradée et qu'il y a une compétition économique violente. (…) On est bien conscients qu'il faut tous se retrousser les manches. Mais, il y a un certain nombre de mesures qui, de notre point de vue, dégraderaient la situation économique, dégraderaient l'emploi, et par voie de conséquence feraient rentrer moins d'impôts, moins de charges sociales. Donc, il faut prendre des bonnes mesures, pas celles, en tout cas un certain nombre d’entre elles, qui sont prévues. »
Sur les efforts que pourraient faire les entreprises
« Les entreprises font déjà beaucoup d'efforts parce qu'elles continuent à investir. Et, j'insiste sur ce point, on est, au monde, les entreprises qui payent le plus d'impôts et de taxes. J’ai dit il y a déjà quelques semaines qu'on était prêt à contribuer à l'effort de guerre, mais raisonnablement. Par exemple, il va y avoir une réduction des aides à l'apprentissage. Si elle est mesurée, si elle s'applique à tout le monde, pourquoi pas. Il y a des grandes entreprises, la mienne en fait partie, qui vont supporter beaucoup plus d'impôt sur les sociétés, pourquoi pas, mais de manière très ponctuelle et très ciblée. On n'est pas sûr que ce sera ponctuel et ciblé en l'état ».
Sur le temps de travail
« Il faut dans notre pays, ça plaît ou ça ne plaît pas, qu'on travaille plus, qu'on produise plus, parce que sinon on ne réglera pas le sujet du pouvoir d'achat. On ne pourra pas, dans la durée, servir les retraites, garantir l'assurance maladie, etc. Il faut donc travailler plus. Quant à la semaine de quatre jours, en faire une généralité, je pense que ce serait une mauvaise solution. Il y a des métiers qui ne se prêtent pas à ça. Il y a des salariés qui, en termes d'organisation, y compris personnels, ne souhaitent pas la semaine de 4 jours. Laissons un peu de liberté aux uns et aux autres. Par ailleurs, le télétravail, on commence à en toucher les limites, notamment en ce qui concerne le collectif de l'entreprise. Ça se délite au fil du temps si on est systématiquement en télétravail. Là aussi, il faut faire du cas par cas ».
Sur l’emploi des seniors
« On a une discussion sur l'emploi des seniors qui s'est réouverte, dans un bon état d'esprit, avec la volonté partagée d'aboutir. Le CDI dit senior est une des solutions qu'on a proposées, ça fait partie du package. Ma conviction c'est que cela permettrait de faire revenir à l'emploi des seniors qui en sont éloignés depuis un certain temps. (…) Le but stratégique est d'augmenter le taux d'emploi des seniors et de faire revenir, quand ils le souhaitent, les seniors qui veulent travailler. Des garanties seraient mises en place si on s'accorde sur cette disposition pour qu'effectivement il n'y ait pas d'abus ».
Sur la réforme des retraites
« La dernière réforme ne suffira pas à équilibrer nos régimes dans la durée. Beaucoup de nos concitoyens croient que, parce qu'ils ont cotisé leur vie durant, ils ont droit à une pension de retraite. Non, ce sont les actifs qui cotisent pour eux. Donc, si on n'a pas une base d'actifs suffisamment nombreuse et qui travaille suffisamment longtemps, eh bien, les retraités verront leur pension baisser. Il faut qu'on ait cette mécanique en tête. (…) Si la réforme en cours est abrogée, on accentuera la nécessité de travailler plus et plus longtemps. Et puis, on aura une sanction immédiate sur les marchés financiers ».
Sur les arrêts maladie
« Il faut être attentif à ce qu'on ne continue pas à dériver sur les arrêts maladie. Je me garde de dire qu'il y a des abus systématiques. Mais il y a quand même quelques comportements opportunistes, parfois avec la complaisance de médecins. Il y a un site américain qui, pour 9 euros, vous délivre, séance tenante, un arrêt maladie, frauduleux, bien sûr. Il faut y prendre garde. Dans le privé, pas dans le public, l'absentéisme est en train de rebaisser, y compris chez les jeunes. Ensuite, qui paye ? Ce que prévoit le Gouvernement, c'est de transférer encore plus la charge aux entreprises et aux salariés alors qu'ils payent déjà des cotisations maladie. Il faut prendre des mesures d'ordre public, en ne prenant pas en compte les pathologies lourdes évidemment, mais sur les petits arrêts maladie, eh bien, pour qu’il n'y ait pas de remboursement ».
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