Invité du Face à Face sur BFMTV le 22 octobre, Patrick Martin a exprimé l'inquiétude des chefs d'entreprise face aux mesures fiscales envisagées par le gouvernement, mesures qui, selon lui, font peser de graves menaces sur l'emploi.
Sur les risques de destructions d’emploi
« On a fait hier une déclaration commune avec nos homologues, la CPME, l'UDEP, la FNSEA, les agriculteurs, et de ce qui est important de l'économie sociale et solidaire pour dénoncer le risque, de destruction d'emploi par centaines de milliers. Simplement, dans l'économie sociale et solidaire, qui n'est pas un modèle capitaliste, il est estimé qu'il pourrait y avoir 186 000 emplois détruits (…) Sur l'emploi, on a des allègements de charges, certains disent que ce sont des cadeaux aux entreprises, pas du tout. Le coût du travail en France est supérieur à ce qu'il est dans les autres pays. Donc on a un enjeu d'emploi, on a un enjeu de compétitivité. Il faut aller chercher d'autres économies, il faut sanctuariser l'emploi. Il y aura des suppressions d'emploi, mais ce qui est certain, c'est qu'il n'y aura pas d'augmentation de salaire. Alors, on ne peut pas d'un côté nous dire qu'il faut désmicardiser et d'un autre côté, augmenter le coût du travail. »
Sur les allégements de charges
« Je reviens sur les allègements de charges, qui je le redis sont plus lourdes en France que dans n'importe quel autre pays développé, il y a deux segments qui sont particulièrement menacés : les bas salaires et les salaires intermédiaires et là, on a un sujet d'emploi, mais on a aussi un sujet de compétitivité. Pour illustrer mon propos, à partir de 2,1 Smic, la France n'est plus compétitive par rapport à l'Allemagne. Il faut attirer vers des métiers industriels qui décideront de notre avenir. »
Sur le rôle des partenaires sociaux
« Le fait que le Premier ministre veuille restaurer les partenaires sociaux dans leurs prérogatives, en particulier en rouvrant la négociation assurance-chômage qu'on avait conclue en novembre dernier, et la négociation senior, je trouve cela très bien. L’accord qu'on avait trouvé sur l'assurance-chômage prévoyait une baisse de cotisation patronale. »
Sur la négociation pour l’emploi des seniors
« On va j'espère, avancer en particulier sur les retraites progressives qui est une vraie solution, donc, il y a des mesures d’accompagnement financier, il y a des mesures d’accompagnement juridiques sur lesquelles on est en train de discuter. Tout cela est de nature, à augmenter le taux d'emploi des 60-64 ans, c'est là où la France est profondément défaillante par rapport aux autres pays, pour la bonne raison qu'on avait un âge de départ en retraite qui était plus tôt que dans les autres pays ».
Sur le risque d’abrogation de la réforme des retraites
« Le problème de fond de l'économie française et des finances publiques, par voie de conséquence, ce sont les retraites. On paye beaucoup plus en France que dans n'importe quel autre pays pour les retraites, 14 % du PIB, et on accumule des déficits chroniques. Mais au-delà de ça, il faut que dans ce pays, on travaille plus et il y a beaucoup de seniors qui souhaitent travailler, d'ailleurs. Donc, si on revient sur cette réforme, ça sera terrible pour la performance économique du pays, pour le taux d'emploi dans le pays, mais ça sera terrible également pour les marchés financiers. Donc, ne nous racontons pas d'histoire si on abroge cette réforme des retraites, on part, carrément en vrille. »
Sur l’attractivité de la France
« La France, qui avait beaucoup progressé en termes d'attractivité, de compétitivité, d'emploi, de qualification, risque de régresser brutalement. Je suis très frappé par le changement de regard des chefs d’entreprise et des dirigeants patronaux étrangers. En l'espace de quelques mois, la vision positive qu'ils avaient de la France est devenue négative. On repart vingt ans en arrière ou quarante ans en arrière. »
Sur les participations de l’Etat
« Il faut un petit peu de rationalité. Je pense que l'accord qui a été trouvé pour le Doliprane, est un bon accord, ça sécurise les sites de production en France et ça sécurise l'approvisionnement du marché français. Ça ne m'empêche pas de penser que l'État doit être beaucoup plus réactif, beaucoup plus mobile sur ses participations. (…) Que l'État français, puisse ponctuellement prendre le contrôle d'une entreprise cela ne me choque pas mais a contrario, que l'État reste actionnaire de certaines entreprises qui ne contribuent pas à la souveraineté ou qui ne sont pas stratégiques, ça n'a plus de sens. A fortiori, dans l'état des finances publiques actuelles. (…) Le vrai problème c'est qu'on a un État boursouflé, qu'on a un niveau de dépense publique qui bat tous les records mondiaux, qu'on est incapable, de faire ce que le Portugal, l'Espagne, les Pays-Bas ont fait en baissant leurs dépenses publiques de 10 % du PIB. Ça veut dire, en France, 300 milliards d'euros par an, mais vous imaginez, si on avait 300 milliards d'euros de dépenses publiques de moins chaque année pour des performances, des services de santé, de l'enseignement, de la sécurité, tout à fait comparables, voire meilleures, on ne se crêperait pas le chignon, comme on est en train de le faire, à l'Assemblée nationale. Il faut un peu de bon sens, il faut un peu de rationalité, il faut un peu de courage politique ».
Sur les sources d’économie possibles
« Les 200 000 chefs d'entreprise du Medef qui emploient dix millions de personnes ne sont pas résignés. Ils commencent à être un petit peu en colère, mais ils ont plein de projets. Et donc, il ne faut pas leur taper sur le museau en leur disant. (…) C’est votre contribution à l'effort de guerre. (…) On est les entreprises les plus taxées au monde, charge sociale et fiscalité, on veut nous en remettre une louche. Il y a des sources d'économies bien ailleurs qui sont identifiées. D'abord, il ne faut pas mollir sur les retraites. L'essentiel, c'est que ce pays conserve une bonne dynamique économique. Donc si tout le monde doit fournir des efforts, je l'ai dit, je le redis, y compris les entreprises, Il faut savoir allouer les efforts à l'endroit où c'est le moins douloureux. Si on porte atteinte à l'emploi, à l'investissement, c'est dramatique ».
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